¡Buenos dias gatitos! On se retrouve aujourd'hui pour la critique du premier roman de l'auteur américain Daniel Loedel, Hadès, Argentine, paru aux éditions La Croisée et sorti en librairies le 25 août dernier.
J'avoue avoir eu un peu de mal à faire la critique, car j'ai été traversée par de nombreuses émotions à la lecture de ce livre. Je me suis sentie perdue, perplexe, indifférente, choquée, bouleversée, et en refermant le livre j'étais incapable de savoir clairement ce que j'en avais pensé. Il m'a fallu un peu de temps pour le digérer, et encore maintenant il m'arrive d'y repenser souvent et de me rendre compte que j'ai apprécié telle ou telle chose qui ne m'avait pas forcément marquée lors de ma lecture.
Aussi, je vais essayer de vous expliquer aussi clairement que possible ce qui m'a plu et ce que j'ai moins apprécié. Mais avant toute chose, petit disclaimer :
La version de ce livre que je possède et que j'ai lue est une version non éditée : ce sont donc les épreuves non corrigées que j’ai lues, et non la version définitive sortie en librairies. Quoi qu’il en soit, je pense que le texte final ne diffère pas beaucoup de ce que j’ai pu lire.
1986. Après le coup d’État militaire d'Argentine dix ans plus tôt, en 1976, Tomás Orilla a fui le pays pour s'installer aux États-Unis. Désormais, il s'appelle Thomas Shore et mène une vie sans encombres à New-York, en tentant d'occulter son passé autant que possible. Mais celui-ci n'a pas dit son dernier mot, et un jour Tomás est contraint de retourner en Argentine. Là-bas, des fantômes de son passé se manifestent à lui pour lui faire revivre toute l'année 1976, avant sa fuite, et le forcer à affronter ces souvenirs qu'il essaye tant de refouler.
Les premières pages du roman sont très immersives, je me suis dit que ça partait très bien et que j'allais directement être plongée dans l'histoire ! Ensuite j'ai un peu déchanté car tout est devenu très confus... Tomás, bien vivant, reçoit la visite de fantômes de son passé (enfin, ça, j'ai mis un peu de temps à le comprendre) qui vont lui faire revivre toute l'année 1976 et le forcer d'une certaine manière à revivre et affronter ses pires souvenirs, ceux qu'il essaye tant bien que mal d'enfouir au plus profond de lui depuis sa fuite. Mais, ces souvenirs si horribles, quels-sont ils ? Qu'a pu bien faire Tomás de si terrible ? Pour quelles raisons a-t-il réellement quitté l’Argentine ?
J'ai mis un moment à comprendre les rouages de cette narration fluctuante entre le monde des vivants et celui des morts. Je me posais sans arrêt des questions comme : « Il est mort, lui ? Elle est vraiment présente elle, ou c'est un fantôme ? Et si ça se trouve, en fait Tomás est mort lui aussi... ? » Il est vrai que j'étais très perdue et j'ai failli décrocher durant le premier quart du roman.
Et puis passé ce début perturbant, j'ai réussi à me laisser porter par le récit de l'auteur et à me laisser voguer entre les deux mondes sans plus me poser de questions. Avec du recul, ce qui me paraissait brouillon au départ est justement une très habile manière de perdre le lecteur entre le monde des vivants et les Enfers. Les frontières entre ces deux univers sont volontairement floues, poreuses et perméables, et Daniel Loedel a magnifiquement réussi à nous perdre entre deux eaux.
Sur cette terre sud-américaine, le titre Hadès, Argentine prend tout son sens ; Daniel Loedel nous entraîne au sens propre dans une véritable descente aux Enfers (aussi appelés tout simplement l'Hadès par métonymie avec le nom du dieu qui y règne) comme les anciens Grecs l'imaginaient, vers un monde où les morts ne le sont pas tout à fait, aux côtés de Tomás sur le chemin de sa rédemption. Au sens figuré, l'auteur nous plonge dans l'enfer de la dictature militaire avec son lot de tortures, disparitions, assassinats et autres pratiques obscures à l'abri des regards dans des lieux sordides tenus secrets, tel un monde souterrain. Certains passages m'ont d'ailleurs été durs à lire et m'ont remuée.
Ce que j'ai beaucoup aimé, c'est la manière dont on en apprend plus sur Tomás au fur et à mesure du récit. On découvre progressivement son parcours, son rôle, son degré d'implication dans les événements et ce qui le ronge réellement devient un peu plus clair à chaque chapitre, comme un voile qui se lève doucement.
Comme tous les autres personnages du roman, Tomás n'est ni tout blanc, ni tout noir, et encore moins parfait ; il est extrêmement humain, et tous ses choix sont motivés par cette humanité. Il est allé assez loin pour tenter de conquérir un amour perdu d'avance, et le voir s'acharner et se perdre dans la vanité de cet amour à sens unique m'a fait éprouver beaucoup de peine pour lui.
La seule chose qui m'a vraiment agacée dans ce roman, ce sont la majeure partie des dialogues, un peu plats et qui manquaient de substance à mon goût. Énormément de choses sont vagues, floues, mystérieuses, les conversations sont toujours pleines de « peut-être », de « Que voulez-vous dire ? », « Tu sais très bien ce que je veux dire. », etc.
Après des allers-retours fiévreux entre Buenos Aires et La Plata et une errance entre le monde des vivants et celui des souvenirs, tout ceci nous amène à la fin, douce-amère, et d'une beauté digne d'une tragédie grecque. J'ai ressenti une petite frustration en refermant le livre parce que je n'ai pas saisi en quoi tout ce cheminement avait changé notre héros par rapport au début du roman (ni même si changement il y avait eu).
Dans tous les cas, je ressors de cette lecture avec l'impression d'avoir fait le voyage avec Tomás, de l'avoir accompagné tout du long dans son parcours infernal, d'avoir revécu tout ses souvenirs comme si j'avais été présente.
Ce qu'il y a de magique avec Hadès, Argentine, c'est qu'on démarre l'histoire avec Tomás sans rien savoir de lui, et qu'en refermant le livre, c'est un ami intime que l'on a l'impression de connaître depuis toujours que l'on quitte.
Quoi qu'il en soit, je félicite Daniel Loedel pour ce premier roman qui est une belle réussite, et un livre envoûtant qui nous fait passer, nous lecteurs, par mille émotions. Car Hadès, Argentine, c'est un voyage dont on ne sort pas indemne.
PS : J'ai lu beaucoup d'avis d'autres lecteurs qui mentionnaient La Divine Comédie de Dante dans leurs critiques de Hadès, Argentine. Je n'ai pas encore lu cette œuvre, donc je n'en ai volontairement pas parlé ni fait de comparaison. De ce fait, il m’a sans doute quelques références que je n'aurais de toute façon pas vues ou comprises lors de ma lecture.
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