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Photo du rédacteurSolène

"Mon mari" : elle l'aime un peu, beaucoup, passionnément, à la folie.

Bonsoir les chatons !


Il s’est passé un peu de temps entre la dernière critique publiée et celle-ci, mais ces mois d’absence n’auront pas été infructueux, puisque nous avons lu plusieurs livres dont nous serons heureuses de vous partager les critiques prochainement.

Pour l’heure, on commence avec le livre qui m’a le plus marquée parmi mes récentes lectures : Mon mari, de Maud Ventura.


/!\ Avant de commencer, je voudrais vous avertir que je dévoile tous les éléments du livre ainsi que la fin ; il vous faut donc avoir lu le livre avant si vous souhaitez lire cette critique !


"Excepté mes démangeaisons inexpliquées et ma passion dévorante pour mon mari, ma vie est parfaitement normale."

Elle a la vie dont elle rêvait : une belle maison, deux enfants, l'homme idéal. Après quinze ans de vie commune, elle ne se lasse pas de dire : " Mon mari ! " Pourtant elle veut plus encore : il faut qu'ils s'aiment comme au premier jour. Alors elle s'impose une discipline de fer pour entretenir la flamme. Elle l'observe, note ses fautes, tend des pièges, le punit en conséquence. Elle est follement amoureuse de lui. Jusqu'au jour où, évidemment, elle va trop loin...


 

Après avoir lu la quatrième de couverture et dès le début du roman, ma première réaction fut de me dire que c’était beau, une femme toujours aussi amoureuse de son mari même après 15 ans de mariage, et j’en venais presque à envier ce mignon petit couple parfait.

Mais derrière ces apparences se cache une toute autre réalité, et j’ai vite déchanté au fur et à mesure que les jours s’écoulaient et que la narratrice faisait le récit de sa semaine.

Car ce roman se déroule sur sept jours et ressemble somme toute à une semaine-type dans la vie de la narratrice, où chaque chapitre relate une journée. À travers ses mots, on apprend à la connaître et à la cerner un peu mieux malgré elle. Il apparaît assez rapidement que derrière son apparence d’épouse modèle, dévouée et amoureuse, la narratrice semble particulièrement ‘dérangée’. J’ai d’ailleurs trouvé l’écriture du personnage de la narratrice très bien maîtrisée de la part de l’autrice, qui arrive à nous vendre au début du roman une femme ‘normale’ apparemment saine d’esprit, dévoile petit à petit ses comportements un peu limites en ajoutant une couche subtile chaque jour, et on se rend compte avant la fin du roman qu’en réalité ses agissements sont totalement malsains. En conséquence, j’ai bien vite changé de vision par rapport à ce couple pas si idéal que ça !


J’ai donc vite compris que contrairement à ce que la narratrice prétend inlassablement tout au long du roman (pour se convaincre elle-même ?), ce n’est pas de l’amour qu’elle ressent pour son mari, mais de la passion qui prend une tournure d'obsession maladive.

C’en est même triste et pathétique par moments ; elle n’est jamais au naturel, refuse que son mari la voit sans maquillage ou en pyjama, même après 15 ans de mariage, car elle se donne le devoir de toujours paraître « parfaite » et à son avantage devant lui. (De même, elle utilise toujours les toilettes du bas car elle ne veut pas que son mari l’entende aller aux toilettes, ce que je comprend totalement car je me retrouve bien là-dedans. Donc pour tous les angoissés des toilettes en présence de quelqu’un, hip hip hip ! 😂)

On dirait que la complicité n’existe pas entre eux et que tout n’est qu’apparences et superficialité. Elle cherche à tout contrôler, analyse les moindres petits détails et voit des significations dans chaque chose (ça doit être très fatiguant de vivre comme ça...). Il n'y a aucune spontanéité dans sa vie et dans sa personnalité, c'est une control freak à l'extrême.


De plus, elle trompe son mari presque chaque semaine avec un homme différent pour se conforter dans l’idée qu’elle l’aime plus que tout, mais elle a une peur bleue qu'il lui fasse la même chose, donc elle fouille son téléphone portable et ses e-mails sans vergogne à la recherche de preuves ou d'indices. Elle semble souffrir d’un gros manque de confiance en elle et en son mari car elle se compare en permanence à toutes les autres femmes qu’elle croise en les voyant comme de potentielles rivales, elle compare leur couple à ceux dans leur entourage d’amis, se venge indirectement et de manière détournée quand son mari dit ou fait quelque chose qui la contrarie ou qui ne lui plaît pas, angoisse et pleure dans son coin quand il ne se comporte pas comme elle l’aurait voulu, etc., donc au final elle passe son temps à se faire du mal à elle-même et à être malheureuse, au lieu de COM-MU-NI-QUER avec lui sur ses attentes et ses envies à ELLE. À la place, elle s’oublie complètement car absolument tout ce qu’elle fait dans sa vie n’a pour unique but que de satisfaire son mari. Le pire exemple, c’est lorsqu’elle dit qu’elle ne voulait même pas d’enfants mais lui oui, donc ils en ont eus. C’est dit de manière tellement légère, comme ça en passant, que ça vous frappe comme un uppercut tellement c’est criant de tristesse. En parlant des enfants, elle n’a pas l’air d’être une mauvaise mère dans le sens où elle ne les néglige pas, elle s’en occupe, mais ce qui est effroyable, c’est qu’elle ne les aime pas, pour la simple et ‘bonne’ raison qu’ils l’empêchent d’être seule avec son mari, ce qu’elle préfère par-dessus tout et la raison pour laquelle elle ne voulait pas d’enfants. Elle-même reconnaît à certains moments avoir l’impression d’être un monstre et une mère indigne pour ses enfants, mais elle n’y peut rien, elle n’arrive pas à les aimer.


Pour conclure sur ce point, pour moi la communication est la clé d’un couple sain, épanoui et heureux ; or, cet élément fait cruellement défaut à la narratrice et son mari, expliquant pourquoi leur relation est si dysfonctionnelle, et c’est pour moi le sujet central du livre (que ce soit voulu par l’autrice ou ma propre interprétation du roman).


Ainsi, à l’heure où j’écris cette critique, je n’arrive toujours pas à trancher si je la considère comme une femme sous influence (je ne dirais pas ‘soumise’, car elle est libre de ses actions et prend ses propres décisions ; disons qu’elle se met toute seule sous influence de par l’adoration qu’elle voue à son mari), ou une femme légèrement psychopathe et paranoïaque au vu de ses réactions disproportionnées, son habitude à tout noter dans ses petits cahiers pour élaborer une vengeance appropriée, sa manière de retranscrire sous forme de textes ses échanges avec son mari pour les soumettre à l’avis de ses élèves quand elle a un doute sur l’amour que lui porte son conjoint, ou tout bonnement sa manière de faire tourner absolument tout son monde autour de lui de manière excessive, etc.


 

Pour parler une peu de la fin, celle-ci est vraiment surprenante et inventive ; après un énième événement somme toute banal suivi d’une réaction extrême de la part de la narratrice, l’épilogue laisse la parole au mari (enfin !) On y apprend que celui-ci sait très exactement comment est sa femme, et est au courant d’absolument tous ses agissements (mêmes ses tromperies récurrentes et le fait qu'elle fouille dans son téléphone et son ordinateur), contrairement à ce qu’elle croit. Tout ceci lui convient très bien, il en joue même pour la rendre un peu plus folle (folle tout court, et folle de lui) et la faire tourner en bourrique, car ses petits manèges l’amusent beaucoup, et il est bien conscient (il le dit lui-même) que c’est la seule femme au monde qui l’aimera jamais autant et à ce point.

Les rôles s’inversent un peu : du mari que l’on plaint d’avoir une femme aussi bizarre, on se retrouve face à un manipulateur qui profite de l’obsession (à ce stade-là je dirais même de la vénération) que lui porte sa femme pour la garder auprès de lui et lui faire accepter ses moindres désirs. Le coup fatal tombe quand il parle d’avoir un troisième enfant : on se sent d’emblée triste et accablé car on sait très bien que la narratrice va accepter, puisqu’elle passe tout à son mari pour le garder, puis on bouillonne de rage car il sait pertinemment qu’elle ne voulait même pas d’enfants à la base. Quel genre de sale type est-il ?


Bref, en pensant au départ que c’était la narratrice qui était en position de force dans le couple car elle-même pensait tout contrôler à l’insu de son mari, on se rend compte qu’en réalité c’est lui qui tire les ficelles…


 

Laissons l’intrigue de côté un moment pour parler un peu de l’écriture. J’ai trouvé le style très fluide et agréable à suivre. Les jours s’enchaînent et comme je l’ai dit précédemment, l’obsession de la narratrice se révèle de plus en plus au fil des chapitres de manière subtile.


De plus, l’anonymat des personnages (« mon mari », « ma femme ») est une véritable force du roman car ce couple pourrait être n’importe qui : vous, moi, des amis proches, des voisins, des membres de la famille… Malgré plusieurs passages où la narratrice nous parle avec amour du prénom de son mari, elle ne nous le révèle jamais, et j’ai trouvé ce choix très judicieux de la part de l’autrice afin d’entretenir le côté banal et monsieur-tout-le-monde. Je vais peut-être loin en analyse, mais est-ce une manière de montrer que 1) on ne sait jamais vraiment comment ça se passe dans l’intimité du foyer des autres, malgré des apparences de couple ou de famille heureuse, 2) que les apparences sont trompeuses et que les manipulateurs et autres pervers sont partout, même dans le foyer le plus banal a priori, et qu’ils peuvent se cacher derrière les personnes que l’on soupçonneraient le moins ? Ceci est en tout cas ma théorie sur l’interprétation générale que l’on peut faire de ce livre, je serais ravie d’avoir votre opinion là-dessus.


 

Puisque cette critique commence déjà à être assez longue et parce qu’il faut bien conclure, je dirais que j’ai adoré cette lecture, mais que j’en ai vraiment mesuré toute l’ampleur et le potentiel plusieurs temps après, en y repensant à froid.


Derrière un style léger façon journal intime, de véritables tragédies quotidiennes sont énoncées; ce roman m’a mis un sacré coup et m’a fait réfléchir.

Il a même changé (en bien heureusement !) ma vision de l’amour en général. J’ai beaucoup relativisé sur ma propre perception des sentiments, de ce que ça signifiait être amoureuse ou aimer quelqu’un, et j’ai aussi beaucoup relativisé sur ma propre vie sentimentale (que forcément je ne pouvais m’empêcher de mettre en parallèle) et sur mes expériences personnelles vécues durant cette lecture. J’ai réalisé (et ce n’est que mon avis personnel) que la passion est destructrice et ne mène jamais à rien de viable, et qu’il vaut mieux la vivre à petite dose.

La relation qu’entretient la narratrice avec son mari, sous des airs de couple parfait, est tout sauf idyllique quand on creuse, extrêmement malsaine et toxique, et ce que croit ressentir la narratrice envers son mari est tout sauf de l’amour.


Moralité : ne jamais envier les autres, même lorsqu’ils semblent heureux ou vivre de grandes choses, mais au contraire se concentrer sur sa propre vie, cultiver son propre bonheur, prendre soin et profiter de sa propre famille et de ses propres amis… Car les apparences sont rarement ce qu’elles prétendent être !

En bref, un coup de ❤️ pour ce premier roman de Maud Ventura. Bravo !



Solène


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