Bonjour les chatons !
Le mois dernier, en juillet, j'ai lu Le bal des folles de Victoria Mas. Particulièrement intéressée par tout ce qui touche au domaine de la psychologie et de la psychiatrie et aussi très sensible à la cause féminine, ce livre m'intéressait grandement depuis sa sortie aux éditions Albin Michel il y a exactement deux ans de cela, en août 2019.
La critique a un peu tardé à venir, mais désormais elle est là ! 😁
Paris, 1885. À l'hôpital de la Salpêtrière, où exerce un certain Charcot en cette fin de XIXème siècle, on organise chaque année un étrange bal, surnommé le « bal des folles » par les habitants de la capitale. Les pensionnaires de l'hôpital peuvent s'adonner une fois par an à un lâcher-prise autorisé, en revêtant costumes et déguisements hauts en couleur. Mais officieusement, cette pratique est une nouvelle expérimentation du docteur Charcot, et un excellent prétexte pour le Tout-Paris de venir voir de plus près ces « folles » qui suscitent un mélange de fascination mêlé de dégoût, mais dont on occulte bien vite l'existence pour le restant de l'année une fois la soirée passée.
Le roman de Victoria Mas nous fait suivre trois personnages féminins principaux : Louise, Geneviève et Eugénie, toutes trois issues de catégories sociales différentes, avec des histoires différentes et un lien différent avec l'institution de la Salpêtrière.
Le roman est structuré comme une sorte de journal, avec le prénom de l'héroïne dont nous suivons le parcours durant le chapitre. Fait amusant et de bon augure, l'histoire s'ouvre sur le 3 mars, mon anniversaire. 😄
Je me suis dit que c'était bon signe et que j'allais aimer ce livre ! D'ailleurs il se termine le 18 mars, autrement dit l'anniversaire d'un autre Chat Pitre, Virginie !
Vous l'aurez compris, l'intrigue se déroule en quinze jours. Deux semaines intenses où nous suivons les parcours bien différents mais interconnectés de trois femmes à l'aube du fameux « bal des folles » : Louise, une adolescente internée à la Salpêtrière depuis trois ans, Geneviève, qui y travaille depuis plus de vingt ans et qui s'est forgée une carapace à force de côtoyer les « aliénées », et Eugénie, une jeune fille de bonne famille avec un petit quelque chose de spécial.
J'ai beaucoup aimé la manière dont l'autrice a dressé le portrait de ces trois femmes très différentes, au travers de leur passé, leur histoire, leurs blessures. Cela leur donne beaucoup de relief, de profondeur, et on s'attache véritablement à elles dès le début.
Au-delà des avancées technologiques et des nouveaux progrès de la médecine, le roman de Victoria Mas dévoile un aspect plus sombre de cette époque et sans doute bien moins connu : la condition des femmes en ce temps-là. Certes il s'agit d'un roman, les protagonistes sont fictives (même si des femmes avec des parcours similaires ont certainement existé), mais il est basé sur des faits réels : le bal des folles a réellement existé.
J'ai été véritablement révoltée tout au long de ma lecture. Pas parce que le livre était mauvais, bien au contraire ! C'est lire la manière dont les femmes étaient traitées par les hommes qui m'a vraiment mise hors de moi. Prostituées, femmes aux mœurs légères, jeunes filles victimes d'abus sexuels, femmes gênantes, faisant un peu trop de zèle ou aux idées un peu trop novatrices pour la société patriarcale de l'époque... Allez hop, au trou !
Ainsi, la Salpêtrière était peuplée de femmes de tous horizons, et certainement très peu d'entre elles souffraient réellement de troubles psychologiques. Non, la Salpêtrière, c'était plutôt la solution de facilité où l'on envoyait toutes les femmes un peu trop dérangeantes pour s'en débarrasser, les enfermer le restant de leur vie et ainsi ne plus jamais entendre parler d'elles.
Combien de vies de femmes brisées, sacrifiées ainsi pour avoir voulu défier l'ordre patriarcale, ou ne serait-ce que faire entendre leur voix, réduites au silence et enfermées simplement parce qu'elles étaient nées femmes ?
"Son corset la gênait horriblement. Aurait-elle sur qu'elle allait parcourir une aussi longue distance, elle l'aurait laissé dans l'armoire. Cet accessoire a clairement pour seul but d'immobiliser les femmes dans une posture prétendument désirable - non de leur permettre d'être libres de leurs mouvements ! Comme si les entraves intellectuelles n'étaient déjà suffisantes, il fallait les limiter physiquement. À croire que pour imposer de telles barrières, les hommes ne méprisaient moins les femmes qu'ils ne les redoutaient."
En bref, j'ai vraiment été remuée par ce livre, c'est un sujet qui me touche beaucoup à la base. Pour un premier roman, Victoria Mas (et j'ai d'ailleurs appris après ma lecture qu'elle est la fille de Jeanne Mas) a frappé fort ! Pour ma part, j'ai été immédiatement happée à peine la première page tournée et je n'ai plus lâché le livre jusqu'à la fin. Il se lit vite et facilement, tout est très rythmé, il n'y a pas de temps mort ou de passages superflus, et la lecture est immersive et passionnante.
Le seul gros bémol selon moi, c'est la scène du bal à la fin. Depuis le début du livre on en entend parler, on l'attend avec impatience et on a de plus en plus envie d'y participer à mesure que l'on suit les femmes internées s'y préparer, confectionner leurs costumes, etc. Bien qu'il amène d'autres événements et un certain dénouement, pour moi le moment du bal en lui-même est mal amené, beaucoup trop anecdotique et beaucoup trop survolé par rapport à ce à quoi on peut s'attendre dès le début du livre. Alors que c'est tout de même le titre du roman !! J'avais des attentes en commençant ma lecture, celles-ci ont grandi, grandi au fur et à mesure, et puis tout est retombé comme un soufflé à la fin… J'avoue avoir été déçue et frustrée sur ce point.
Heureusement, cela n'a pas entaché le plaisir que j'ai pris à lire ce livre ni le ressenti général qui me reste après ma lecture ! Depuis sa sortie et avant de m'y atteler, je n'avais lu que des avis extrêmement positifs. Désormais, je me joins aux critiques élogieuses et je ne peux que vous le recommander vivement si vous ne l'avez pas déjà lu !
"Les rêves sont dangereux, Louise. Surtout quand ils dépendent de quelqu'un."
Solène
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