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Photo du rédacteurSolène

"Le Vieux qui lisait des romans d'amour" : plaidoyer amoureux pour la forêt amazonienne

Bonsoir les chatons !


Premier livre de mon objectif de lecture de l'été à subir la critique : Le Vieux qui lisait des romans d'amour, de Luis Sepúlveda, traduit de l'espagnol (Chili) par François Maspero et paru aux éditions Métailié (1992).

Je l'avais lu au lycée, il y a une dizaine d'années, et malheureusement je n'en avais gardé absolument aucun souvenir, ni sur le fond, ni sur la forme, ni sur l'histoire et encore moins sur le dénouement.


Récemment, je me suis prise de passion pour le continent sud-américain hispanophone (je suis déjà fascinée depuis plusieurs années par le Brésil dont j'ai pu étudier la culture et l'histoire à la fac ainsi que le portugais), enfin surtout pour le Chili et l'Argentine (très certainement la faute à un aïeul argentin 😂). J'ai donc eu envie de me replonger dans l'univers de l'auteur chilien Luis Sepúlveda et de découvrir plus en profondeur son œuvre. Et pour cela il me semblait logique de relire son Vieux qui lisait des romans d'amour, avec un œil neuf, adulte et un peu plus intéressé qu'à l'époque du lycée.

Le « Vieux », c'est Antonio José Bolivar Proaño. Il connaît la forêt amazonienne comme personne et a côtoyé pendant des décennies le peuple des Indiens Shuars dont il a beaucoup appris à propos de cette jungle et des animaux qui l'habitent. Désormais, dans sa cabane du village El Idilio en Equateur, le vieux coule des jours paisibles à lire le plus clair de son temps des romans d'amour qui se déroulent à des milliers de kilomètres de chez lui, dont il ne comprend pas toujours tout, mais qui le font voyager et s'évader un instant de cet enfer vert et de la bêtise humaine qui l’entoure. Mais quand les habitants du village accusent les Shuars d'avoir tué un gringo, Antonio José Bolivar est bien décidé à innocenter les Indiens et prouver que le responsable n'est autre qu'un magnifique jaguar.

 

En lisant le titre du livre, j'aurais pu prendre peur, si je ne l'avais pas déjà lu, car je suis allergique aux mots « romans d'amour ». Heureusement, rien de mielleux ici.

Dans un petit livre de 130 pages, Sepúlveda arrive à nous plonger au plus profond de la forêt amazonienne, à côtoyer ceux qui y (sur)vivent et à nous faire prendre conscience de la rudesse de la vie dans un tel milieu.

Ceci grâce à un style simple, dans un sens positif. Ce n'est pas une simplicité de paresse, mais une simplicité efficace, percutante, qui va droit au but et nous touche droit au cœur avec toujours les mots justes, sans en faire des tonnes ni de grandes phrases. L'écriture de l'auteur est belle et nous transporte, on se croirait presque dans un conte. Elle coule, fluide et naturelle, tel le fleuve Amazone qui poursuit son cours inexorablement, indifférent à tout ce qui l'entoure.

On suit Antonio José Bolivar et quelques hommes du village dans une véritable enquête pour retrouver la trace du fauve. Il y a même quelque chose de palpitant et d'un peu angoissant dans cette chasse aux indices où le danger peut survenir de n'importe où et à n'importe quel moment dans cette jungle compacte.


Je parlais un peu plus haut de la manière dont Sepúlveda raconte les choses simplement et telles qu'elles sont. Cela ne fait pas exception lorsqu'il s'agit de décrire des choses dures, comme la mort ou les cadavres. Il le fait de manière directe, crue et sans fioritures. Le tout accompagné de petites touches d'humour noir savamment dosé, c'est un vrai bonheur à lire, où l'on se surprend même à sourire dans des moments censés être tragiques.

Les romans d'amour que lit le vieux (et qui sont tout de même dans le titre !) ne sont pas si présents que ça, il en est même peu question. Néanmoins, ils jouent un rôle de fond très important ; ils sont le meilleur remède à la vieillesse qu'a trouvé Antonio José Bolivar, son échappatoire à la dure réalité de la vie dans la forêt dense, et fédèrent les hommes au plus profond de la jungle lors de la traque du jaguar. Leur raison d'être est magnifiée à la fin du roman, ils clôturent cette épopée sauvage sur une note poétique, et j'ai refermé l’œuvre avec une agréable sensation de boucle bouclée.


Enfin, comment parler de ce roman sans évoquer le magnifique plaidoyer écologique qu'il nous livre en faveur de l'Amazonie, cet écosystème redoutable et si fragile à la fois, que la cupidité et l'inconscience humaines mettent un peu plus en péril chaque jour.

Sepúlveda nous montre également que les bêtes sauvages ne sont pas forcément celles que l'on croit, ni les Indiens qui vivent en harmonie dans la nature, ni les animaux, mais bel et bien l'homme qui détruit tout sur son passage sans se soucier des conséquences, pour le profit et l'appât du gain.

En bref, ce petit livre est un véritable conte ancré dans une triste réalité qui fait encore écho aujourd'hui, un bijou de poésie et une déclaration d'amour à la jungle amazonienne, belle, sauvage, et impitoyable.


" - Excuse-moi, camarade. Cette ordure de gringo nous a tous gâché la vie. Et il tira."


Solène

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